1219-1223 - Une apparition à Preuilly
Découvert au fil des recherches sur Preuilly, cet ouvrage est d'abord un trésor des premiers temps de l'imprimerie, généreusement numérisé et mis en ligne par la bibliothèque de l'Université Heinrich Heine de Düsseldorf en Allemagne : cliquer ici
Vous imaginez bien qu'en 1473, on n'imprimait que les textes qui avaient une grande importance et celui-ci avait déjà̀ fait le tour de l'Europe.
Rédigé entre 1219 et 1223 par Cesarius Heisterbacensis, Césaire, maitre des novices de l'abbaye cistercienne d'Heisterbach, il s'intitule : Dialogus Miracolum, Dialogue des miracles.
Le livre est en effet un dialogue entre un moine et un novice, le moine cherchant, par l'exemple, à conduire son élève sur la bonne voie.

Vous lirez sur le site de l'École des Hautes études, cliquer ici que Césaire était agacé des copies manuscrites approximatives de son œuvre qui circulaient à son époque... Pour nous, la surprise a été de trouver au chapitre 12, le récit d'une apparition à Preuilly :
La transcription ci-dessous est légèrement abrégée.
Au royaume de France il est une maison de l'ordre de Cîteaux que l'on appelle Pruli. Nos Abbés qui revenaient, l'an passé, du Chapitre Général nous ont rapporté qu'il s'y est passé une chose étonnante. Ils ont affirmé tenir ce récit de la bouche même de l'Abbé qui en eut la vision.
Dans cette maison, était entré comme novice un jeune garçon qui se conduisait si curieusement que son abbé avait peur pour lui et lui reprochait souvent sa ferveur incompréhensible. Mais celui-ci faisant fi de ces avertissements salutaires persévérait dans son obstination. Et sans avoir changé de conduite, il mourut quelques années plus tard.
Une nuit, alors que l'Abbé, dans sa stalle, chantait les Laudes, il vit venir à lui trois silhouettes, comme trois candélabres étincelants et tandis qu'elles approchaient, il les reconnut.
Au centre était le jeune homme dont on vient de parler. À ses côtés deux convers, tous défunts.
L'Abbé, se souvenant de son obstination, lui demanda :
- Comment vas-tu ?
- Bien répondit le jeune homme et l'Abbé poursuivit :
- As-tu reçu quelque punition pour ta désobéissance ?
- Oui, dit le jeune homme, de très nombreux et de très grands tourments, mais parce que mon intention était bonne, bien qu'elle ait paru étrange, le Seigneur a eu pitié de moi et m'a sauvé de la damnation. L'Abbé poursuivit - Pourquoi ce convers (il le montrait du doigt) est-il plus brillant que l'autre alors qu'il s'était détourné de Dieu. Le moine répondit :
- Parce qu'il s'est relevé plus fort après sa chute, et qu'il fut, des deux, le plus fervent.
- À ce moment, comme le chœur chantait le verset : « Il accompagnera les pas de ses saints… » le jeune-homme, voulant laisser un signe de sa présence, frappa le sol si fort que plancher se brisa sous les pieds des moines qui chantaient. Et ce faisant, il disparut.
L'Abbé, voulut garder la preuve de cette vision, il interdit que le plancher fut changé ou même réparé.
Le Novice : - Ces choses doivent être racontées aux moines pour qu'ils sachent qu'une ferveur excessive n'est bonne ni pour eux, ni pour les autres.
Le Moine : - A leur sujet saint Benoit dit dans sa règle - et c'est le huitième degré de l'humilité - que le moine ne doit rien faire d'autre que ce que demandent la règle commune du monastère ou les exemples des anciens.
Le Novice : - Ainsi certains sont trop obstinés dans leur rigueur et d'autres trop légers dans leurs propos et dans leurs comportements.
Le Moine : - Et ils méritent d'être punis.
Pour les latinistes, le texte original est consultable en ligne -> cliquer ici